Ce n’était qu’une question de temps avant que les grandes enseignes hôtelières commencent à doter leurs chambres de technologies intelligentes. Le plus intéressant sera de voir quelle marque saura établir l’approche qui fonctionnera le mieux dans le cadre de l’industrie de l’accueil, celle qui sera attrayante non seulement pour les clients, mais aussi pour les propriétaires d’hôtels.
Lorsque le président-directeur général de Hilton, Christopher Nassetta, est monté sur la scène du Skift Global Forum en septembre dernier, sa description de la « chambre connectée » de Hilton comptait parmi ses déclarations les plus dignes des grands titres des journaux.
« Imaginez un monde où votre chambre vous connaît autant que vous la connaissez », a déclaré Christopher Nassetta. Imaginez un monde où, lorsque vous entrez dans votre chambre, la télévision dit : “Comment ça va, John? Contente de te voir”, où tout votre contenu a été préinstallé, et où tout ce que vous avez à faire pour contrôler la chambre est toucher ce qui se trouve dans le creux de votre main », a-t-il ajouté, faisant référence au téléphone intelligent des invités.
Ce concept fait l’objet de tests bêta dans quelques-uns des hôtels de Hilton, et l’entreprise a l’intention de l’implanter dans plus hôtels partout dans le monde en 2018.
Hilton n’est toutefois pas la seule entreprise hôtelière à vouloir offrir des chambres intelligentes et ultrapersonnalisées. En fait, tout près du laboratoire d’innovation de Hilton à McLean, en Virginie, un autre acteur important du domaine a pour grand projet d’utiliser l’Internet des objets (IdO) pour transformer l’expérience du client à l’hôtel. La semaine dernière, la publication Skift a eu un aperçu exclusif de cette nouvelle expérience.
Au laboratoire d’innovation de Marriott, situé dans les niveaux inférieurs du siège social principal de l’entreprise à Bethesda, au Maryland, Karim Khalifa, le vice-président directeur des stratégies de conception internationales de Marriott, et son équipe ont aussi travaillé sur leur propre version de la chambre connectée.
« Pour ce genre de chambre, nous faisons des tests avec une technologie qui anticipe non seulement les besoins, mais qui personnalise aussi l’expérience », a expliqué Karim Khalifa.
Portant le nom « IoT Guestroom Lab », l’installation de Marriott est constituée de deux différents modèles de chambre. L’un d’entre eux a pour but de montrer à quoi cette technologie pourrait ressembler dans un établissement tout nouvellement construit, avec toutes les options qui sont actuellement possibles grâce à l’Internet des objets. L’autre expose aux propriétaires et aux clients l’expérience qui pourrait être proposée dans les chambres d’hôtel déjà existantes, en apportant des modifications de construction ou d’infrastructure minimales.
Marriott a tout récemment commencé à présenter les chambres à des groupes de consultation formés de propriétaires et de consommateurs. Lorsqu’ils auront recueilli quelques commentaires, Karim Khalifa et son équipe décideront s’ils veulent lancer un programme pilote officiel dans différents hôtels Marriott et, si c’est le cas, de quelle manière ils vont s’y prendre.
Marriott et Hilton partagent plus ou moins la même vision, c’est-à-dire offrir une expérience d’accueil plus personnalisée et plus intelligente où les besoins des invités sont mieux anticipés pendant le séjour. Néanmoins, les deux entreprises planifient atteindre leur but en empruntant deux voies différentes.
Faire la transition entre la maison intelligente et l’hôtel intelligent
Puisque davantage de consommateurs ont recours chez eux à des systèmes d’assistance vocale dotés d’une intelligence artificielle, comme Google Home ou Amazon Echo, beaucoup de foyers se transforment en « maisons intelligentes ». Et bien que le nombre de personnes vivant dans des maisons intelligentes soit toujours relativement bas aujourd’hui — un peu plus de 15 millions seulement, ou 12,5 % des ménages américains était considérés comme habitant dans une maison intelligente à la fin de l’année 2016 —, le groupe d’étude des médias Kagan prévoit que ce chiffre va augmenter à 28 % d’ici 2021.
« L’Internet des objets a rendu accessible l’automatisation des maisons au consommateur moyen », a expliqué Ken Freeman, vice-président directeur de la création de la demande à Legrand, un fabricant de produits électriques et de produits de communication de données. « N’importe qui peut acheter un thermostat intelligent, une lampe qui change de couleur ou une serrure de porte intelligente. Cela fait en sorte que les consommateurs commencent à demander minimalement le même degré de technologie dans leur chambre d’hôtel.
Les hôteliers doivent déterminer le degré de technologie approprié pour leurs propriétés. Ils doivent ensuite implanter ces technologies, même s’il ne s’agit que d’offrir la possibilité de base de maîtriser à distance la luminosité ou la température de la chambre. Autrement, le consommateur va les juger comme étant vieillis et non pertinents. Les hôteliers qui font bien les choses obtiendront la loyauté de la prochaine génération de voyageurs. »
Néanmoins, transposer l’expérience de la maison intelligente au monde de l’accueil, et réussir à le faire correctement, présente une variété de défis en matière de coûts, d’infrastructures et de sécurité, entre autres. Actuellement, il y a des technologies telles que des thermostats pouvant être activés par un capteur, des clés numériques pour les chambres et des services de diffusion (en continu ou non). Néanmoins, la plupart des enseignes ne les ont pas encore connectées à une plateforme globale ou un système complet propulsés par l’IdO.
L’an dernier, la publication Skift s’est entretenue avec Scott Hansen, le directeur international des technologies aux clients de Marriott. Ce dernier disait alors : « L’avenir de la chambre d’hôtel réside dans la commande vocale. Amazon Echo et Siri d’Apple sont des versions pour les consommateurs de cette technologie. J’ai tout ça chez moi. C’est ça le futur. Nous devons encore déterminer si nous allons utiliser cette technologie déjà en place ou un autre mécanisme de commande vocale. La véritable difficulté est d’essayer de mettre à jour l’Internet des objets selon la partie appropriée du réseau qui est connectée à l’Internet. Il coûte très cher de tout moderniser dans un hôtel. »
Un an plus tard, les stratégies visant à intégrer la maison intelligente à la chambre d’hôtel commencent à se faire beaucoup plus apparentes. Pour l’instant, l’étendue de la technologie de la maison intelligente transposée dans la chambre d’hôtel consiste en un Amazon Echo installé dans chaque chambre, comme c’est le cas pour Wynn Resorts, par exemple. D’autres enseignes, y compris Marriott et Best Western, ont aussi mené des essais pilotes pour mettre en place de ces assistants vocaux dans les chambres d’hôtel.
Robert Cole, le fondateur de RockCheetah, une société-conseil de stratégies commerciales pour les hôtels et de technologies de voyage, a expliqué que puisqu’un nombre croissant d’entreprises hôtelières s’intéressent, à divers degrés, aux chambres connectées à l’IdO, il « faudra travailler de sorte à reproduire les expériences que les voyageurs vivent dans leur maison, dans leur vie quotidienne. Comment faire pour que la transition soit harmonieuse lorsqu’ils voyagent? Et leur permettre de faire toutes les mêmes choses? Ce sera un défi. »
Parvenir à s’adapter à une variété d’appareils est un autre défi auquel les entreprises font face. Les systèmes d’IdO d’aujourd’hui sont construits pour contenir les écosystèmes d’une seule marque : tout d’Apple, tout de Google, tout d’Amazon, par exemple.
« Pensez à une chambre d’hôtel », a dit James Stansberry, vice-président directeur et directeur général d’ARTIK IoT pour Samsung Electronics. « Il existe des douzaines de produits différents provenant de nombreux fabricants : stores, thermostats, télévisions, interrupteurs d’éclairage, etc. Comment faire pour connecter tous ces appareils ensemble facilement et être capable de les faire fonctionner sans difficulté? »
Comme Marriott et Hilton sont en train de le découvrir, il y a différentes manières de rendre « intelligente » une chambre d’hôtel et de la personnaliser davantage pour les clients. Examinons de plus près ce que les deux entreprises hôtelières font.
L’approche « créatrice » de Hilton
Lors de la plus récente annonce des résultats financiers du troisième trimestre aux investisseurs, Christopher Nassetta a donné un peu plus de détails sur la chambre connectée de Hilton, la décrivant comme étant « la première chambre d’hôtel mettant véritablement l’appareil mobile au centre des choses. »
Il a dit : « Par l’intermédiaire de l’appli, les membres seront en mesure de contrôler facilement la luminosité, le chauffage, la ventilation et la climatisation de la chambre, ainsi que les options de divertissement qu’elle propose, y compris le contenu préinstallé et le contenu en diffusion continue. »
La semaine dernière, l’équipe de Skift s’est entretenue avec la porte-parole de Hilton, Julia Burge, qui lui a aussi offert une mise à jour et davantage d’information sur la stratégie de Hilton à l’égard de ses chambres connectées à l’IdO.
Tout d’abord, la technologie des chambres intelligentes de Hilton est propriétaire. « Nos équipes sont constamment en train de tester des solutions toutes faites, mais rien qui est fourni directement au consommateur n’est suffisant, autant pour nos invités que pour les propriétaires de nos hôtels. Nous avons donc construit quelque chose du début à la fin. »
Hilton a énormément investi dans la technologie pour son appli mobile au fil des dernières années, y ajoutant l’accès avec clé électronique et donnant aux membres du programme de fidélisation la possibilité de choisir eux-mêmes leur chambre en s’enregistrant sur leur téléphone.
Pour l’instant, cette plateforme permet de contrôler des aspects de la chambre tels que la luminosité, la climatisation, le chauffage et les services de divertissement en continu. Le client maîtrise le tout par l’intermédiaire de l’appli mobile Hilton Honors de son téléphone intelligent. « Le téléphone intelligent sera la télécommande de la chambre d’hôtel », a indiqué Julia Burge.
Les invités qui s’inscrivent au programme de fidélisation de Hilton et qui soumettent leurs préférences à Hilton seront en mesure de personnaliser leur séjour dans la chambre connectée.
La commande vocale ne fait toutefois pas partie des options proposées par la chambre intelligente de Hilton. « Nous testons constamment cela, mais le pilote mis en place n’aura pas de commande vocale pour le moment, a précisé Julia Burge. À ce point-ci, nous n’avons pas de composante technologique se basant sur la voix. »
« Je crois que le défi actuel avec la technologie vocale est qu’elle n’est pas totalement fiable encore », a dit Makarand Mody, professeur adjoint en commercialisation du tourisme d’accueil à la Boston University School of Hospitality Administration. L’an dernier, Makarand Mody et un groupe d’étudiants ont travaillé sur un concept de chambre intelligente à présenter aux hôtels Park Inn by Radisson. « Mais si ce type d’expérience a pour but d’être homogène, je pense que la commande vocale va jouer un rôle clé », a-t-il ajouté.
Julia Burge a néanmoins noté que la plateforme créée par Hilton est destinée à « croître et à étendre sa portée au fur et à mesure que la technologie disponible va croître et étendre sa portée », sous-entendant que la commande vocale pourrait faire l’objet d’un ajout dans l’avenir. Elle a également mentionné que Hilton est actuellement en négociations avec un éventail de partenaires de diffusion multimédia en continu, et que l’entreprise est encore en train de chercher des partenaires technologiques avec qui elle voudrait collaborer dans le futur.
Un autre avantage de la chambre connectée eest, selon elle, qu’elle permet d’informer le personnel de l’hôtel en coulisse des besoins précis du client ou de la chambre.
Julia Burge a indiqué que même si Hilton n’est pas encore prête à faire une annonce complète au sujet de la chambre connectée, elle planifie en offrir des aperçus médiatiques en décembre. Plus tôt cette année, l’entreprise a également déjà démontré ce que la technologie peut faire à la conférence annuelle de Hilton destinée aux propriétaires. Elle a aussi confirmé que les chambres sont déjà en train d’être testées dans quelques hôtels pour le moment, et que le pilote connaîtra une expansion « plus importante » en 2018.
La stratégie de partenariat de Marriott
Contrairement à Hilton, Marriott ne développe pas sa propre technologie de A à Z. Au lieu de cela, l’entreprise a décidé de s’associer à Legrand et à Samsung pour faire de sa propre chambre faisant appel à l’IdO une réalité.
Karim Khalifa a dit avoir été inspiré à travailler avec les deux entreprises après avoir assisté à une conférence dont Legrand était l’hôte en novembre 2016. La conférence avait pour but de présenter le programme Electrical Internet of Things (Eliot) de Legrand. C’est là qu’il a vu le concept de maison intelligente prendre vie et qu’il a pensé : « Comment peut-on reproduire ça dans le monde des hôtels? »
Samsung qui, pendant plus de deux ans, a été un partenaire technologique de Legrand, fournit la plateforme d’IdO basée sur l’infonuagique du nom d’ARTIK qui permet la réalisation du projet. La plateforme entreprise fonctionne non seulement pour les produits Samsung, mais est aussi sécuritaire pour les appareils et les nuages tiers.
« Samsung espère pouvoir cartographier jusqu’à ce nuage la totalité des 20 milliards d’appareils connectés d’ici l’année 2020, a dit Karim Khalifa. Il n’y a aucun câblage nécessaire, car tout est propulsé par le nuage. Et puis que [ARTIK] est sans marque, il est fait pour être neutre — vous pouvez intégrer des appareils qui n’ont jamais réellement communiqué auparavant. »
Avec Samsung et Legrand, Marriott a construit deux prototypes de chambres différents. Chacun d’entre eux est programmé en fonction de scénarios divers mettant en scène trois types de voyageurs : un organisateur de réunions amateur de yoga, un voyageur fréquent et une famille de quatre personnes en vacances.
« Les invités devront s’inscrire pour nous donner leurs informations et créer leur profil. Ces profils sont ensuite sauvegardés afin que les scènes soient mises en place pour vous », a expliqué Karim Khalifa. Il a mis l’accent sur le fait que, pour assurer la confidentialité des invités, seule Marriott aurait accès aux profils et aux renseignements.
« Ce que Marriott essaie de faire, c’est d’utiliser les profils des clients, a dit Ken Freeman. L’idée est la suivante : si je suis un membre de Marriott Rewards et que mon profil affiche mes caractéristiques et mes préférences, la chambre peut être réglée de façon à faire des choses en fonction de qui je suis et de mon type de voyage, de manière plus personnelle. Si je suis en voyage d’affaires aujourd’hui, la fin de semaine, je passe peut-être du temps avec ma femme en vacances. »
Les fonctionnalités technologiques présentées dans la chambre nouvellement construite comprennent un miroir intelligent, un cadre artistique intelligent, une douche et un robinet intelligents et, pour l’instant, un Amazon Show pour l’activation à l’aide de la commande vocale. Karim Khalifa a indiqué que Marriott n’a pas eu recours à un seul système de traitement des langues naturelles pour le lancement de ces chambres. Les clients peuvent facilement ajuster la luminosité, la température, l’humidité, les rideaux, le décor, etc. en utilisant simplement leur voix. La technologie de capteur de présence sait quand ils sortent du lit la nuit et allume automatiquement des veilleuses rouges qui illuminent le chemin jusqu’à la salle de bain. Elle sait également combien de personnes se trouvent dans la chambre et ajuste la quantité d’oxygène dans la pièce en fonction de ce calcul.
Dans la chambre intelligente rénovée, l’appareil Amazon Show est remplacé par un Amazon Dot, et la principale façon de contrôler les fonctionnalités intelligentes de la chambre est d’utiliser la télécommande. Au lieu d’être dotée de câbles de données personnalisés comme c’est le cas avec la chambre nouvellement construite, la chambre rénovée ne requiert que l’installation d’un récepteur de télévision et d’interrupteurs connectés au Wi-Fi.
Pour le moment, les clients peuvent contrôler les chambres intelligentes de Marriott de trois façons principales : par la commande vocale, par la télécommande du téléviseur et par la commande manuelle. Karim Khalifa a signalé que l’appli de Marriott servirait un jour à utiliser ces fonctionnalités.
« Ce que nous souhaitons, c’est d’en arriver à un point où presque chaque client ressent les avantages de la technologie, même s’il ne s’en sert pas grâce à une appli ou à la commande vocale », a expliqué Ken Freeman.
Voici quelques scénarios et cas d’utilisation possibles qui, selon Karim Khalifa, sont améliorés par la technologie :
- Réaliser son programme de yoga matinal avec l’aide du miroir intelligent qui peut aussi surveiller le rythme cardiaque.
- Avoir un écran d’accueil personnalisé pour chaque client sur la télévision.
- Disposer d’une luminosité spécialisée, comme des tons de bleu le matin pour favoriser le réveil.
- Avoir la possibilité de demander un service de voiture depuis la chambre. (Il y a des « tentacules hors de la chambre » pour cette technologie aussi, selon Karim Khalifa.)
- Avoir des balises sur les équipements dans le centre de conditionnement physique qui permettent à Marriott d’indiquer aux clients quels sont les équipements disponibles et ainsi éviter que ceux-ci aient à quitter la chambre uniquement pour se rendre compte que l’appareil souhaité est déjà utilisé.
- Offrir la possibilité de commander un café de Starbucks et de pouvoir le récupérer dans le hall de l’hôtel.
- Donner la possibilité de choisir les œuvres d’art affichées dans la chambre et de tamiser leur luminosité la nuit pour favoriser le sommeil.
James Stansberry a ajouté qu’à un certain point, il sera « entièrement possible pour la technologie d’utiliser l’apprentissage machine pour, au fil du temps, connaître les habitudes d’une personne en particulier et faire des prédictions. »
Ainsi, à un certain moment, les invités pourraient ne pas avoir besoin de dire quoi que ce soit pour que leur chambre sache exactement ce qu’ils souhaitent.
Convaincre les propriétaires d’hôtels
Bien que Marriott et Hilton investissent dans ces chambres d’hôtel intelligentes, il y a un décideur que les deux entreprises devront convaincre : le propriétaire d’hôtels. Même si les deux chaînes n’ont pas divulgué les coûts exacts associés à cette technologie, elles ont, sans surprise, expliqué que ces chambres d’hôtel intelligentes entraînent un important rendement de l’investissement.
Karim Khalifa a fait valoir que certains propriétaires pourraient, pour chaque chambre, réduire leurs dépenses en énergie d’autant que de 300 $ par année puisque les chambres seront aptes à détecter quand désactiver la climatisation, le chauffage et les lumières ou fermer les stores pour conserver l’énergie.
Il a également dit que, pour les nouvelles constructions, l’utilisation de câblage de données coûte en fait moins cher que l’utilisation de câblage traditionnel en acier ou en cuivre. De plus, il n’est pas nécessaire d’avoir un électricien pour installer ces câblages. « C’est un changement de paradigme en matière de construction », a-t-il ajouté.
Les propriétaires d’hôtels doivent également garder en tête qu’être trop à l’avant-garde comporte des risques lorsqu’il est question d’adopter des technologies. Les hôteliers pourraient paraître trop artificiels s’ils se contentent de petites intégrations (comme avoir un assistant vocal dans la chambre). Néanmoins, en raison des coûts et du fait que la technologie est toujours en développement, se lancer tête première dans la gamme complète des technologies offertes aujourd’hui est tout aussi périlleux, sinon plus.
« Je crois que les propriétaires d’hôtels comprennent que la technologie est la voie de l’avenir, et les consommateurs d’aujourd’hui s’attendent à ce que les hôtels intègrent à leur offre des choses comme des chambres connectées dans le futur », a commenté Makarand Mody. Il a ajouté que les enseignes devraient expliquer aux propriétaires que cette technologie peut non seulement rationaliser leurs activités, mais qu’elle possède aussi un potentiel d’augmentation des profits, notamment grâce à la vente croisée et à la création d’occasions de vente supplémentaires. Elle permet, de plus, d’obtenir de meilleurs renseignements sur les clients.
Makarand Mody est d’avis que les enseignes axées sur l’art de vivre et l’expérientiel seront les premières à intégrer l’IdO puisque les clients des hôtels offrant une gamme complète de services s’attendent encore à « une touche humaine d’un degré supérieur ». Selon lui, les marques milieu de gamme et les marques économiques seront celles qui mettront le plus de temps à adopter cette technologie.
Des tests bêta à la réalité
Alors que Marriott, Hilton et leurs pairs poussent plus loin l’exploration de cette technologie, il sera pour ces entreprises crucial de porter une attention particulière à l’expérience utilisateur, d’après Robert Cole et Makarand Mody.
« Si, en tant que client, j’ai du mal avec cette technologie — elle ne fait pas ce qu’elle est censée faire ou l’assistant ne comprend pas mes commandes vocales, par exemple —, celle-ci a le potentiel de rendre l’expérience plus frustrante que libératrice », a expliqué Makarand Mody.
Il a ajouté : « La continuité est un deuxième facteur essentiel. Les marques doivent soumettre cette technologie au test de Turing, où la capacité de la technologie à faire preuve d’intelligence doit équivaloir à celle d’un humain ou être impossible à distinguer. Avant cela, la technologie n’améliorera pas vraiment l’expérience client au-delà du facteur nouveauté ou de la réaction “c’est chouette”. »
Selon Makarand Mody et Robert Cole, le degré de personnalisation de l’expérience individuelle des clients est là où les enseignes peuvent apporter de la valeur. Et pour atteindre leur but, il sera crucial de lier cette technologie aux programmes de fidélisation.
« Je crois que l’utilisation que Hilton fait de son appli de fidélisation est une bonne tactique », a dit Robert Cole.
« Le lien avec la fidélisation est critique ici, et il doit être le créateur de valeur principal dans ce processus », a ajouté Makarand Mody.
Les entreprises hôtelières doivent aussi tenir compte de la manière dont elles vont employer ce type de technologie en fonction des différentes enseignes et des différents clients. Offriront-elles plus ou moins de fonctionnalités en fonction de la gamme ou du type de propriété hôtelière? Proposeront-elles des fonctionnalités différentes selon le statut du client au sein du programme de fidélisation?
Quant à l’entreprise hôtelière qui détient la stratégie supérieure dans l’intégration de l’IdO dans l’expérience du client hôtelier, cela reste encore à voir.
« Bâtir son propre cadre de travail demande un investissement initial supérieur, mais, au fil du temps, et au fil des propriétés construites pour la plateforme et des propriétés existantes intégrées à celle-ci, les coûts sont distribués dans le réseau à travers des économies d’échelle, a expliqué Makarand Mody. Cela dit, c’est un investissement à plus long terme que de travailler avec partenaires — une façon de faire qui a ses propres défis, dont faire en sorte que les différentes technologies communiquent les unes avec les autres. »
« Dans la théorie, j’ai une légère préférence pour l’approche de Hilton, a dit Robert Cole. Mais puisque je suis confus par rapport à ce qu’elle souhaite faire avec la composante vocale — et j’espère vraiment qu’elle aura un plan de produit clair sur la manière dont la voix va être intégrée à tout ça, car les gens adorent utiliser les assistants vocaux —, je vais attendre de voir ce qui est développé. Si Marriott décide d’intégrer ça à son appli aussi, ça serait une appli d’enfer. »
Parmi les technologies que les hôtels devraient avoir sous leur radar, Makarand Mody a noté que la traduction en temps réel basée sur la commande vocale, comme la technologie Pixel Bud de Google, pourrait faire une importante différence. « Pour que la technologie des chambres d’hôtel soit véritablement inclusive, elle doit être en mesure de répondre aux besoins langagiers de personnes venant de partout dans le monde. »
Cet article est une traduction de l’anglais d’un texte rédigé par Deanna Ting et paru sur le site Skift le 14 novembre 2017. Cliquez ici pour afficher la publication originale.